Crise au Kazakhstan: le Pays s’embrase suite à la Hausse des Prix du GPL

Le 1er janvier 2022, le gouvernement kazakh annonce la fin du plafonnement des prix du gaz de pétrole liquéfié (GPL). Très vite, les prix du GPL doublent, passant à 120 tengués (€0,24)/litre, et entraînent l’augmentation des prix des denrées alimentaires. Dans un pays où le salaire moyen est d’un peu plus de €500/mois, la situation devient critique.

La libéralisation des prix des carburants à l’origine de la crise au Kazakhstan

Les protestations commencent le 2 janvier 2022 à Janaozen, dans la province du Manguistaou produisant 25% du pétrole du pays. Elles s’étendent ensuite dans tous l’oblys jusqu’à sa capitale, Aktau, en bordure de la mer Caspienne. Mardi 4 janvier 2022, la contestation atteint la capitale économique du Kazakhstan, Almaty, dans l’est du pays.

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La situation atteint son paroxysme lorsque le gouvernement kazakh fait appel à l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), alliance militaire dirigée par la Russie, pour maintenir la paix face à une « menace terroriste ».

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Les contestations s’étendent de la mer Caspienne à l’est du pays en quelques jours. (Source : energynews.pro)

Le Président veut contrôler le prix du GPL

Pour tenter de juguler les mouvements contestataires à travers le pays, le gouvernement propose des mesures sur le GPL. Les autorités ordonnent ainsi un contrôle temporaire des prix du GPL, de l’essence et du diesel pour une durée de 180 jours.

Le président Tokayev promet en ce sens que le prix du GPL ne dépassera pas les niveaux de la fin de l’année 2021. Le Kazakhstan repousse également d’un an le passage au commerce électronique du GPL.

D’autant que le projet initial ne s’accompagne pas de mécanismes pour endiguer de trop fortes hausses des prix. Dès lors, le Ministère de l’Energie se trouverait incapable d’empêcher des situations, comme celle de ce début janvier, de se reproduire.

Réforme de l’industrie gazière

Dans le même temps, le président kazakh souhaite réformer de manière systémique l’industrie gazière. Son but est de sécuriser un approvisionnement suffisant et stable pour son marché intérieur. Il dénonce, de surcroît, les retards dans la construction d’une usine de GPL dans la région de Manguistaou.

Enfin, les autorités commanditent une enquête auprès du procureur général pour éclairer des soupçons de collusion sur les prix. En attendant, la crise au Kazakhstan fait craindre une baisse substantielle de sa production de pétrole et d’uranium.

Quel impact sur le secteur pétrolier?

Le Kazakhstan dispose de vastes ressources en hydrocarbures. On y trouve ainsi 2% des réserves mondiales de pétrole pour un total de plus de 30 milliards de barils.

Aujourd’hui, la production atteint 1,8 million de barils par jour (bpj), soit un triplement des capacités depuis la chute de l’URSS en 1991. Deux tiers de cette production proviennent de trois champs pétrolifères seulement : les gisements de Tengiz, Karatchaganak et Kashagan.

À lui seul, le gisement de Tengiz dispose d’une capacité nominale de 600.000 bpj. Celui de Kashagan atteint les 370.000 bpj et Karachaganak les 270.000 bpj.

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Infrastructures autour du gisement pétrolier de Tenguiz. (Source energynews.pro)

Problèmes logistiques sur le gisement de Tengiz

Au 6 janvier, les autorités ne relèvent que peu d’impacts des émeutes sur la production kazakhe. Si ce n’est quelques problèmes logistiques près des infrastructures du gisement de Tengiz en raison de la participation des travailleurs contractuels du champ aux protestations.

En revanche, le consortium Tengizchevroil — Chevron (50%), ExxonMobil (25%), KazMunaiGas (20%) et Lukoil (5%) — qui exploite le gisement, vient d’annoncer un ajustement de la production.

Le consortium prépare ainsi un projet d’expansion à $45 milliards pour porter la capacité de production à 850.000 bpj. Les opérations mobilisent près de 30.000 travailleurs et devraient s’achever en 2024.

Les perturbations inquiètent les opérateurs

Pour l’heure, les protestations n’affectent pas la production des gisements de Kashagan et Karatchaganak. Mais les perturbations sur le gisement Tengiz inquiètent tout de même les opérateurs. Le producteur indépendant Caspian Sunrise ayant même suspendu ses activités.

Les conséquences sur les prix demeurent légères. Le prix des futures ICE Brent pour mars 2022 augmentent de $0,54 par barils (0,66%) pour atteindre $82,53/b. Sur le NYMEX, les prix des contrats futures pour février 2022 sur le brut léger augmentent de $0,53/b (0,67%) pour atteindre $79,99/b.

Hausse des prix à prévoir?

En outre, le pays est allié non-membre de l’OPEP. De ce fait, le pays est soumis aux accords instaurant des quotas de production. Cependant, en vue de la crise au Kazakhstan, les observateurs s’inquiètent des capacités du pays à satisfaire la demande en 2022.

Compte tenu également des difficultés que partagent la Libye, l’Angola et le Nigeria quant à leur incapacité à remplir leurs quotas de production, il n’est pas impossible que le prix du baril continue de grimper.

« Toute réduction de l’offre est susceptible d’exacerber les difficultés actuelles à satisfaire la demande mondiale croissante », assure Ricardo Evangelista, analyste chez ActivTrades.

7% des approvisionnements pétroliers européens

À terme, les incertitudes dans la continuité de la production pourraient donc mener à des problématiques d’approvisionnement. Une situation qui aggraverait la crise énergétique mondiale, notamment en Europe.

D’autant que l’Union européenne importe 7% de son pétrole depuis le Kazakhstan. La France, elle, importe 13,9% de son pétrole depuis le pays d’Asie centrale.

Par ailleurs, le Kazakhstan exporte en majorité son pétrole sous forme de mélange CPC, un brut léger à faible teneur en soufre. 90% des flux mondiaux de CPC, qui atteignent en mars 2020 un record d’échange sur un mois avec plus de 1,65 million bpj, proviennent du pays d’Asie centrale.

Quel impact sur la production d’uranium?

Parallèlement, le pays est responsable de 40% de l’approvisionnement mondial en uranium. Les prévisions de KazAtomProm pour 2021, le producteur d’État qui représente la moitié de la production totale, s’élèvent à environ 22.000 tonnes.

Pour l’heure, les manifestations n’affectent pas la production sur les sites de Katco situés assez loin des lieux d’affrontements. Cameco, deuxième plus grand producteur d’uranium au monde, n’anticipe pas non plus de problèmes de production ou de livraison.

En revanche, le 5 janvier 2022, les prix au comptant de l’U308 au Canada augmentaient de $3,25/livre, passant à $45,50/livre. La hausse des prix est due à une crainte des acheteurs de voir les prix flamber si les émeutes devaient s’étendre davantage.

Pour rassurer le marché, Cameco s’est dit prêt à reprendre la production dans ses mines des États-Unis et du Canada.

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À gauche, le Président sortant du Nursultan Nazarbayev, à droite, l’actuel Président Tokayev. (Source : cabar.asia)

La crise au Kazakhstan remet en cause le système politique

Dans les rues du pays, les réclamations, d’abord économiques, se transforment dorénavant en un appel au changement de régime. Le président Tokayev répond d’emblée en limogeant son gouvernement et en accusant Karim Massimov, ancien Premier Ministre, de haute trahison.

Mais ces réponses pourraient ne pas suffire, car les protestations visent en particulier l’ancien président, Noursoultan Nazarbayev, bâtisseur du régime politique actuel. L’omniprésence de l’ex-dirigeant dans la sphère économique est notable, notamment dans le secteur énergétique.

Administrateur en chef du secteur énergétique

Par le biais du fonds souverain Samruk Kazyna (SK), il administre toujours de nombreuses sociétés motrices du développement kazakh. Le fonds dispose de quelque $100 milliards et détient 90,42% des actions de KazMunayGaz, ainsi que la totalité de la première compagnie minière du pays : KazAtomProm.

Nazarbayev conserve également une forte légitimité dans la sphère économique. Et notamment dans le secteur énergétique. Par le biais du fonds souverain Samruk Kazyna (SK), il administre en effet de nombreuses sociétés motrices du développement kazakh.

Si la crise au Kazakhstan mène à l’éviction de Nazarbayev de la vie politique et économique, cela pourrait donc impacter lourdement la gestion des affaires énergétiques du pays.

En premier lieu, la production de pétrole dont les perturbations pourraient rendre la stratégie de l’OPEP+ ineffective. En deuxième lieu, le marché de l’uranium dont les prix sont déjà en hausse.

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